l'Évêque

Paroles de l'Évêque

Homélie de l’ordination presbytérale de Romain Belibi

Homélie de l’ordination presbytérale de Romain Belibi

Frères et sœurs bien-aimés de Dieu !

Par l’imposition de mes mains et le don du Saint Esprit, Romain va devenir prêtre pour le service de l’Évangile qu’est le Christ et pour le service du peuple que Dieu rassemble.
Il le devient en ce jour où nous fêtons plus particulièrement le don que le Christ Jésus fait de lui-même en son corps livré pour nous, en son sang versé, sang de l’Alliance nouvelle et éternelle en rémission des péchés.

Les textes de ce jour sont riches mais avec des mots comme « sacrifice », « sang », parfois difficiles à entendre pour nous, hommes et femmes du 21e siècle, parce qu’ils font référence à des rites d’un cérémonial qui se déroulait il y a 3000 ans, du temps de Moïse ou encore au culte dans le Temple de Jérusalem il y a 2000 ans. Nous y avons entendu une expression que nous connaissons bien, « le sang de l’alliance ».

Qu’avons-nous entendu qui éclaire ce que nous sommes en train de vivre en cette messe d’ordination ?
Nous avons entendu avec Moïse une nouveauté. Les sacrifices ne sont pas à entendre comme des rites en eux-mêmes, magiques, où les hommes, en prenant l’initiative, sacrifieraient quelque chose qui leur appartient pour que Dieu leur donne en retour.
Avec Moïse, le cœur du sacrifice n’est pas le sacrifice en lui-même mais l’Alliance, la loi d’Alliance que Dieu propose et qui entraîne la réponse, l’engagement du peuple : nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. L’aspersion du sang des animaux sur l’autel et sur le peuple, exprime un enjeu vital. L’Alliance que Dieu veut conclure avec son Peuple dont il a brisé les chaînes en le libérant de l’esclavage, est une alliance « à la vie à la mort » entre Dieu et son peuple.
Avec la lettre aux Hébreux, nous entendons qu’avec Jésus le Christ, une nouvelle étape est franchie dans l’Alliance de Dieu avec son Peuple. En Lui, Dieu fait tout le chemin pour se faire proche jusqu’à se faire l’un d’entre nous.

  • Plus besoin des nombreux rites et sacrifices du Temple
    • pour recevoir le pardon de Dieu,
    • pour s’approcher du Dieu trois fois saint.
  • Plus besoin du Temple puisque Jésus est désormais en son corps, le Temple, le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes, le lieu du pardon qui nous est accordé.
  • Plus besoin de sacrifices sanglants d’animaux pour vivre l’alliance du Dieu de la vie, pour aimer comme lui nous a aimés.
  • Plus besoin de tout cela parce que le Christ est bien l’unique  « grand prêtre du bonheur qui vient ».

L’évangile nous a replacés dans l’ambiance des fêtes pascales de l’époque. Des agneaux étaient égorgés au Temple, leur viande était ensuite partagée pour être mangée en famille. En famille, on y faisait mémoire de l’engagement de Dieu délivrant son peuple de l’esclavage, de la Pâque, du passage du Seigneur. Dans toutes les maisons on avait fait le ménage, on s’était débarrassé des vieux ferments, des vieux levains. Pour les fêtes pascales, le pain n’avait pas encore fermenté, pain azyme, sans levain[1].
Lors de ce repas que nous connaissons bien, puisqu’en chaque eucharistie nous y participons, nous y sommes invités, Jésus, alors que la violence, l’injustice, la trahison, le péché des hommes vont le mettre à mort, lui prendre sa vie, Jésus retourne la situation.

Il le vit en faisant de sa mise à mort, violence qui se dessine à l’horizon, un geste d’amour : « ma vie, nul ne peut me l’enlever », pourtant on va la lui prendre, « je la donne de moi-même [2]».
C’est parce qu’au moment où on va lui prendre sa vie, Jésus, porteur de l’alliance nouvelle que Dieu veut avec les hommes, ne cesse d’aimer et pardonner.
C’est parce que sa mort n’est pas qu’une mise à mort, mais aussi un geste d’amour.
C’est parce qu’au moment même où il meurt Jésus nous aime jusqu’au bout, que dans sa mort nous pouvons accueillir un don de vie, un don d’amour, un salut.
C’est ce qu’il nous livre au soir de la cène, comme en chaque eucharistie.

Avec le Christ en sa pleine humanité, Dieu vient jusqu’à nous et se donne, s’offre entièrement à nous et pour la multitude des hommes qu’Il aime. L’abbé Huvelin qui accompagnait saint Charles de Foucauld, lui disait que : « Dans ce mystère de l’Eucharistie, Notre Seigneur donne tout. Il se donne Lui-même tout entier : l’Eucharistie c’est le mystère du don, c’est le don de Dieu, c’est là que nous devons apprendre à̀ nous donner, à nous donner nous-mêmes, car il n’y a pas de don tant qu’on ne se donne pas

C’est ce que va exprimer d’une manière concentrée la préface de cette messe d’ordination qui nous rappelle que Dieu a voulu que le sacerdoce unique de Jésus le Christ, l’unique  « grand prêtre du bonheur qui vient », demeure vivant dans l’Église.
« C’est lui, le Christ, qui donne à tout le peuple des rachetés la dignité du sacerdoce royal[3] » !
C’est bien pour cela que l’Eucharistie est «la source et le sommet» de la vie des chrétiens que nous sommes et de la vie de l’Église que Dieu rassemble. Pas uniquement dans le rite de l’eucharistie célébrée mais dans et par la vie que cette eucharistie génère en nous :

  • notre communion, l’unité entre nous dans le Christ  « Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang et remplis de l ́Esprit Saint, accorde-nous d ́être un seul corps et un seul esprit dans le Christ[4] . »
  • « Que l’Esprit-Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire[5] », c’est à dire, des vies données, des vies qui aiment comme le Christ nous a aimés.

Quand nous devenons évêque, prêtres, diacres, nous ne quittons jamais cette place d’être chrétiens avec vous et cette attitude fondamentale du culte véritable qu’évoque l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte.[6] »
C’est le chemin de la vie véritable, chemin de transformation de nos vies, auquel nous sommes appelés et qui se réalise dans la forme concrète de corps, de vies données à travers les gestes et les paroles qui prennent soin, qui sont porteurs de la tendresse, de la solidarité́, de la miséricorde, de la réconciliation de Dieu pour la vie du monde.

Tout au long de la prière eucharistique, celui qui la préside parle en disant « nous ». Ce n’est pas un pluriel de majesté. Il est porteur par sa parole de la prière de toute l’Église, de notre « nous » à tous. Attention donc frères et sœurs quand, à ce moment-là de la messe, nous décrochons en pensant que ce n’est pas notre prière mais celle du prêtre ! C’est notre prière à tous. Nous demandons à Dieu de participer vraiment à ce qui est célébré : « Regarde, Seigneur, Celui qui s’offre dans le sacrifice que toi-même as préparé pour ton Église, et, dans ta bonté́, accorde à̀ tous ceux qui vont partager ce Pain et boire à cette Coupe d’être rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps, pour qu’ils deviennent eux-mêmes dans le Christ une vivante offrande à la louange de ta gloire[7]. »
Mais pour le vivre et ne pas nous reposer uniquement sur nous, nous avons aussi besoin de le recevoir. Nous avons besoin qu’un ministère nous rappelle sans cesse l’initiative de Dieu. Un don que nous ne nous donnons pas nous-mêmes mais que nous avons à recevoir de celui qui donne la vie, la suscite et la re-suscite.
Car c’est aussi lui le Christ « qui, dans son amour fraternel, choisit ceux qui auront part à son ministère en recevant l’imposition des mains. Ils offrent en son nom l’unique sacrifice de la croix à la table du banquet pascal [8] » Ils le font, non en leur nom, mais « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit… je te baptise … je te pardonne tous tes péchés. » La préface poursuit par ces mots : « ils ont à se dévouer au service de ton peuple pour le nourrir de ta Parole et le faire vivre de tes sacrements » «  en se conformant au Christ[9] ».

Romain pour nourrir tes frères et sœurs à la source de vie, ne cesse pas de t’étonner d’oser prononcer ces paroles qui ne sont pas les tiennes. Ces paroles du Seigneur ne seront pas sans conséquences sur ta propre vie : « prenez et mangez-en tous, ceci est mon corps livré pour vous ».
En devenant prêtre, tu acceptes que ta vie soit mangée, livrée, donnée à ceux à qui tu es envoyé. Toi, veille à rester à rester comestible, ne deviens pas un pain rassis !

En t’imposant les mains, je vais prier Dieu de me donner un coopérateur pour exercer mon ministère, pour être associé au sacerdoce apostolique des évêques. Alors Romain, à temps et à contre-temps,

  • Sois serviteur de cette proximité de Dieu aux hommes qu’il aime, et que nous avons reconnu en Jésus le Christ ;
  • Aide et soutiens tes frères et sœurs dans la foi pour qu’ils accueillent comme étant toujours d’actualité l’Évangile, ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes que Dieu aime ;
  • Sois serviteur du don de la vie de Dieu, de la grâce de Dieu qui engendre, qui nourrit, qui relève et pardonne, en particulier dans les sacrements ;
  • Manifeste et témoigne par toute ta vie de la joie de la rencontre du Seigneur qui t’a saisi.

Tu ne le seras en vérité que si tu n’oublies jamais que, toi le premier, tu es destinataire avec tes frères et sœurs de ce que tu annonces et célèbres.

Amen.

+ Michel Pansard
Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes
2 juin 2024


[1] cf 1 Co 5, 6-8
[2] Jn 10, 18
[3] Préface de la messe d’ordination
[4] Prière Eucharistique n°3
[5] Prière Eucharistique n°3
[6] Ro 12,1 
[7] Prière Eucharistique n°4.  
[8] Préface de la messe d’ordination
[9] Préface de la messe d’ordination

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