Rentrant de l’assemblée des évêques à Lourdes, je vous partage quelques réflexions.
Le discours de clôture de Mgr Éric de Moulins-Beaufort résume bien ce que nous avons vécu lors de cette assemblée qui nous a une fois de plus confrontés à des nouveaux scandales venant d’évêques dont des comportements, part obscure de leur vie, ont blessé des personnes victimes. Ils ont aussi blessé le corps ecclésial alors qu’ils avaient été ordonnés pour en prendre soin, témoins de l’Évangile, de ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes qu’Il aime. Témoins de Jésus le Christ, le Seigneur de nos vies qui ouvre à tous un avenir en portant les péchés du monde.
« Ses mains, captives sur la croix, dénouent les liens de nos ténèbres »[1].
M’est revenu en mémoire ce passage du prophète Jérémie :
« Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter ! Elle est blessée d’une grande blessure, la vierge, la fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde. (Jr 14,17)
Notre Église, le corps ecclésial est blessé et malade. Ce n’est pas un rhume passager, c’est une maladie chronique, une plaie profonde. Vérité qu’il nous faut regarder en face de façon à trouver le traitement nécessaire. Nous n’avons pas à avoir peur du diagnostic avec la prise en compte de tous les éléments qui ont pu favoriser, à un niveau où un autre, ces comportements coupables dont les auteurs doivent assumer leur responsabilité. Le rapport de la Ciase a pointé la dimension « systémique » de la cause des abus, c’est-à-dire ce qui, outre la faute d’une personne, ne relève pas seulement de causes extérieures, en ignorant ce qui dans l’Église a pu être un terreau favorable et qui doit être analysé pour y remédier : des failles dans la formation, des procédures insuffisantes, des dysfonctionnements, une perte de sagesse dans la séparation des pouvoirs, l’usage du secret, une mauvaise compréhension de la miséricorde, des spiritualités floues, une perte de repères, la prise en compte de la sexualité, l’exercice de l’autorité et du pouvoir, les formes d’emprise, d’appropriation de l’esprit puis du corps, une culture de l’entre soi, un appauvrissement des structures et une désinstitutionalisation, etc…
Ce diagnostic ne peut-être l’affaire des seuls évêques. Les groupes de travail mis en place avec une diversité de personnes et de compétences sont à l’œuvre depuis des mois et feront des propositions à la prochaine assemblée plénière. En Église, le diagnostic et les mesures qui sont et seront prises sont inséparables d’un chemin et d’un acte de foi, d’espérance et de charité en Celui qui est le seul sauveur et peut aujourd’hui encore ouvrir un passage, une Pâque à son peuple.
En effet, ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus. Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. En toute circonstance, nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés, mais non désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés ; terrassés, mais non pas anéantis. Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps.
(2 Co 4, 5-9)
La commission diocésaine « Faire de l’Église une maison sûre », demandée par le synode pour élaborer une stratégie d’éducation, de formation et de prévention contre les abus, est en cours de constitution pour être opérationnelle prochainement. 180 personnes acteurs de la pastorale auprès de jeunes participeront le 3 décembre prochain à une journée de formation et de sensibilisation dans ce domaine.
Fraternellement
+ Michel Pansard
Évêque d’Évry-Corbeil – Essonnes
[1] Hymne de carême, ami des hommes Jésus-Christ