l'Évêque

Paroles de l'Évêque

Homélie du samedi 16 septembre 2023

Homélie du samedi 16 septembre 2023

Ordination diaconale de Ludovic Delbroucq

Frères et sœurs bien aimés de Dieu et toi, Ludovic, nous venons d’entendre un passage d’une lettre de Paul : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même » (Rm 14, 7). Ce n’est pas aujourd’hui que cela commence pour toi Ludovic. Dans les témoignages qui ont été portés tout à l’heure à ton égard, il est bien apparu que vivre ta vie comme un don n’est pas nouveau.

Il est bon de lutter contre le fameux mot « individu ». Tu n’es pas, aucun d’entre nous n’est un individu. Nous sommes des personnes humaines et le propre des personnes humaines ce n’est pas d’exister tout seul à partir de soi comme autosuffisants. Le propre d’une personne humaine c’est d’être un être de relation. D’ailleurs, aucun d’entre nous ne s’est donné la vie.

Tous ceux qui aiment le savent bien on ne vit pas pour soi-même. Ils vivent l’aventure des hommes en se donnant aux autres. Cela prend une diversité de formes à travers nos états de vie, à travers nos engagements dans la société, dans des associations et d’abord et avant tout auprès de ceux dont la vie te fait proche.

Qu’est-ce que cette ordination que tu reçois va changer ? Tout et rien. Tu vas rester Ludovic. Tu vas rester un frère en humanité. Tu vas rester un disciple du Christ. Tu vas continuer à vivre de tout cela. Mais par cette ordination que tu reçois parce que tu le demandes, parce que l’Église t’y appelle et avec la grâce de Dieu tu auras à signifier par toute ta vie, tu vas être par toute ta vie un sacrement du Christ serviteur. D’ailleurs, les vêtements que tu vas recevoir évoquent un tablier pour être serviteur à la lumière de cet évangile que nous venons d’entendre.

Qu’avez-vous retenu de cet évangile que nous venons d’entendre ? Ce qui se passe à la fin de cette page d’Évangile ? Moi ce que je retiens surtout ce sont les écarts des chiffres. Des chiffres démesurés qui nous parlent de la surabondance de Dieu, de l’excès de Dieu.

Pierre avait été au catéchisme juif, il avait entendu le livre de Ben Sirac le sage et bien d’autres passages des écritures. Il savait bien que le pardon fait partie de l’aventure mais dans une certaine limite. La question qu’il pose est un cas d’école. Certains répondait 1 fois, d’autres 3 fois puis ceux qui étaient les plus généreux comme Pierre allaient juste à sept. Vous avez entendu comme moi la réponse de Jésus pas 7, mais 490 soit 70 fois 7.

C’est de cet excès, Ludovic, dont tu vas être témoin. L’excès de l’Évangile, la surabondance de Dieu dont la mesure est toujours débordante et pas comme la nôtre, nous nous sommes souvent en train de calculer et il ne faut pas que ça dépasse.

Comment ? Par ta parole, celle de tous les jours, mais aussi la parole que tu prendras en particulier quand tu seras à ma place pour prêcher, pour faire retentir l’Évangile, ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes dans notre aujourd’hui.

Mais il n’est pas suffisant de proclamer l’excès de Dieu. Tu auras aussi à le vivre par tes gestes, par la qualité de ton regard, par ta présence, par tout ce qui dira d’une manière ou d’une autre et en particulier aux plus petits, aux plus fragiles, aux plus pauvres, aux malades, « toi aussi tu es aimé de Dieu, malgré ce que tu penses parfois de toi, malgré ce que d’autres peuvent dire de toi, toi aussi tu es aimé de Dieu ».

Tu ne devras pas simplement le dire mais le penser réellement, et pas seulement le penser réellement, mais te conduire à son égard de telle façon qu’il découvre qu’il y a en lui quelque chose de plus grand, quelque chose de sauvé. C’est cela être témoin de l’excès de Dieu.

Ton ministère diaconal est un service de l’excès. Alors ne sois pas étonné si à certains moments, ta manière d’exercer ce service et de témoigner l’excès de Dieu, gênera aux entournures d’autres qui veulent quand même que tout soit bien cadré, bien mesuré.  Mais être témoin de l’Évangile c’est souvent être témoin d’un monde qui est le monde à l’envers qui est l’Évangile à l’endroit.

Sois serviteur de cet excès, mais tu ne le seras vraiment que si toi-même tu expérimentes tu continues à expérimenter tout au long de ta vie, que tu es d’abord bénéficiaire de cet excès de Dieu, que le regard que tu portes, que les gestes que tu poses, que la patience que tu as, c’est aussi celle que tu as goûté de la part de Dieu à ton propre égard.

Chaque fois que des personnes reçoivent une responsabilité dans l’Église, cela nécessite pour elles d’être encore plus greffées, branchées, fidèles à l’expérience de la présence du Christ Seigneur à notre endroit.  Cela réclame de prendre du temps pour la prière, pour écouter, pour se laisser toucher de l’Intérieur, pour continuer à goûter ce que le Seigneur donne parce que finalement nous sommes tous dans la même situation, nous ne pouvons donner que ce que nous avons reçu. Alors continue à goûter la présence, continue à goûter le don de Dieu, pas simplement le don de Dieu mais ce que Dieu donne par-delà ce qu’il a déjà donné. C’est ça le pardon, le don par-delà ce qui a déjà été donné. Continue à recevoir du Seigneur lui-même, le dynamisme de sa vie pour en être le serviteur.

La meilleure manière de la vivre c’est de contempler une page d’Évangile. C’est au soir de la Cène. Les disciples de Jésus le suivent depuis des mois et des mois, ils marchent avec lui. Jésus va être arrêté, être mis à mort. Et ils sont encore à côté de la plaque. Cela nous arrive aussi ! De quoi ils parlent entre eux lors de ce repas ? Toujours cette grande préoccupation : lequel d’entre eux est le plus grand !  Alors moi je comprends pourquoi Jésus, plutôt que faire un sermon de plus, se lève de table, pose son vêtement, enfile un tablier et se met à genoux devant ses disciples. Il leur lave les pieds. Il prend l’attitude du serviteur, de l’esclave. Ludovic, cette scène nous indique aussi une manière de se positionner, une manière de regarder. Là je suis sur quelques marches, je suis au-dessus de vous, je vous regarde d’en haut. Je ne vois pas la même chose si je me mets à genoux devant vous, si je vous regarde d’en bas. C’est à ce changement de regard qui prend celui du Seigneur que tu as à vivre. Tu auras aussi à nous inviter à ne jamais le perdre parce que le ministère que tu reçois n’est pas simplement un ministère pour toi-même, c’est un ministère pour l’Église, pour aider l’ensemble des membres du corps de l’Église à entrer dans les sentiments et les attitudes qui furent en Christ Jésus (cf. Ph 2-5).

C’est ainsi que nous goûtons le bonheur, la vie véritable. Non pas une vie crispée ou repliée sur soi, c’est cela le péché, mais une vie donnée. Quand tu distribueras le corps du Christ à tes frères et sœurs, tu leur partageras le pain de la vie véritable pour qu’en recevant cette vie donnée du Christ, ils entrent eux-mêmes jour après à jour dans une vie donnée, une vie qui aime.

Amen !

+ Michel Pansard
Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes

Télécharger l’homélie de Mgr Pansard

Actualités du Diocèse

La Newsletter