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Homélie – Ordination diaconale de Charles-Hervé TCHANGA

Homélie – Ordination diaconale de Charles-Hervé TCHANGA

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Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, nous venons d’entendre plusieurs passages du livre des Écritures. Et dans quelques instants, par l’imposition de mes mains et le don de l’Esprit, Charles-Hervé deviendra diacre. Je lui remettrai le livre des Évangiles en lui disant : « sois attentif à croire ce que tu lis, à enseigner ce que tu crois, et à vivre ce que tu enseignes ! »

Cela veut dire que, la première chose qu’un diacre, qu’un prêtre, qu’un évêque, que tout disciple du Christ qui veut témoigner de l’Évangile doit faire, c’est d’écouter. C’est d’ailleurs pour cela, sauf si je suis le seul ministre, que je ne proclame pas l’Évangile, je l’écoute, je le reçois pour ensuite en annoncer l’actualité.

Charles-Hervé, sois un méditant de la Parole vivante de Dieu qui retentit dans le Livre des Écritures.

Qu’avons-nous entendu ?

Nous avons entendu le livre de l’Exode qui nous donne l’impression que Dieu se met en colère et que Moïse va l’apaiser. Mais moi j’ai aussi appris que, avant même qu’on demande quelque chose à Dieu, Dieu sait ce dont nous avons besoin ! Et le risque, c’est de penser que Dieu est comme nous ; parce que nous, nous mettons en colère, alors Dieu se met en colère !

C’est peut-être que Moïse qui se met en colère, parce que le peuple ne vit pas ce qu’il souhaiterait  qu’il vive en fonction de la Loi de l’Alliance qu’II a reçue pour le peuple. Alors il râle, comme d’autres râlent dans l’Évangile. Et puis il prie. Et dans sa prière, se passe ce qui se passe régulièrement dans notre prière, revient à sa mémoire ce qu’il a entendu, revient à sa mémoire le projet d’Alliance de Dieu. C’est comme ce que Jésus dit à ses disciples, vous recevrez l’Esprit Saint, « Il vous rappellera tout ce que je vous ai dit ».

Dans cette écoute de la Parole de Dieu qui lui revient en mémoire de la Parole de Dieu, Moïse change, il prie non pour implorer la colère mais pour ce que Dieu veut, être lui fidèle à son engagement et faire miséricorde. Il intercède pour le peuple

Alors Charles-Hervé sois un priant. Sois un priant parce que la prière nous transforme quand elle nous remet davantage en phase avec le projet d’Alliance de Dieu. Ce projet toujours nous surprend et nous dépasse. Il nous va bien au-delà de nos calculs, il nous entraîne à dépasser bien des cases dans lesquelles nous voulons tout mettre. Car, il s’agit d’être un serviteur du Seigneur, comme Marie, la mère du Seigneur représentée sur ton image d’ordination… Être diacre, disciple du Christ, serviteur du Seigneur, ce n’est pas dire : « Maintenant, c’est bon, j’ai compris, je vais le faire ! » comme nous le faisons souvent.  Que dit Marie ?  après avoir posé des questions pour mieux comprendre. Elle dit : maintenant, je comprends mieux ce que tu attends de moi, fais-le en moi et avec moi. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon Ta Parole ! »

Serviteur de la Parole, tu ne le seras qu’en l’écoutant, qu’en la recevant, qu’en le ruminant, qu’en la méditant. Serviteur de cette Parole te ne le seras qu’en étant un priant, et un priant ne prie pas seulement pour lui-même, mais comme Moïse intercède et prie pour les hommes et le peuple a qui tu es envoyé.

Tu as peut-être entendu la Parole de l’Apôtre Paul qui s’étonne du ministère qu’il a reçu. Comme cela a dû surprendre la première génération de chrétiens de voir cet homme qui les persécutait devenir disciple et apôtre du Christ. Paul s’émerveille.  Ce ministère qui lui a été confié alors qu’il y avait plein de raisons pour ne pas le faire. Paul reconnaît que Dieu lui a fait miséricorde. Dieu a un cœur, des tripes, des entrailles. Il est attentif à ce qui fait mal aux hommes. Il est attentif à ce que nous vivons. Il n’est pas indifférent à ce que nous vivons. Parce que Lui, Dieu, de toujours à toujours, s’engage contre ce qui fait mal aux hommes. C’est de cela que témoigne le livre des Écritures, à temps et à contretemps : l’engagement de Dieu. L’engagement de Dieu qui en Jésus-Christ fait tout le chemin pour nous rejoindre, y compris dans nos pauvretés, y compris là dans la part obscure de nous-mêmes, où nous sommes pécheurs pour nous en relever, pour nous en libérer, pour nous faire vivre.

Bien présents à nos vies la souffrance, la violence, l’injustice, le péché, la mort… n’ont pas le dernier mot ! Le Christ est ressuscité d’entre les morts ! À cause de cela nous ne baissons pas les bras devant les difficultés, les défis qui se posent dans notre vie comme dans celle de nos frères et sœurs en humanité.

Charles-Hervé sois par ta vie et par ta parole un témoin de la miséricorde de Dieu. Tu ne peux le faire qu’en épousant l’attitude de ton Seigneur. Le soir de la Cène, Jésus se lève de table et se met à laver les pieds de ses disciples. À genou devant ses disciples, il ne les regarde pas de haut. Tu seras régulièrement sur l’estrade, comme nous le sommes, dans le chœur pour que l’assemblée voie mieux. Mais nous courrons alors le risque de regarder les autres de haut. C’est un risque. On ne voit pas la même chose quand on regarde d’en haut et quand on regarde d’en bas ! Alors, n’oublie pas d’habiter l’attitude de ton Seigneur. Apprends de Lui à regarder d’en bas comme un serviteur.

Nous avons entendu cette belle page d’Évangile, et tu dois être témoin de l’Évangile, témoin de ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes. Pourtant au début de cette scène évangélique, ça râle ! Une foule vient voir Jésus, il y a des scribes et des pharisiens qui regardent et qui râlent ! Jamais ils ne râlent quand Jésus est exigeant, mais ils récriminent  parce que Jésus fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux.
Certains se rappellent peut-être cette publicité pour des herbes aromatiques : « À quoi bon que je me décarcasse ! »  À quoi bon se décarcasser, à chercher à mettre en œuvre la Loi du Seigneur au jour le jour, à quoi bon essayer de ne pas être pécheur si Jésus fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. C’est pour cela qu’ils râlent !

Alors, comme il le fait souvent, Jésus va raconter une histoire, une parabole. Dans les paraboles, pour nous parler du règne de Dieu, de Dieu, Jésus met en œuvre des créatures : un homme qui part en voyage, à un voisin qui dort et qu’on vient déranger, un juge qui ne croit ni à Dieu, ni à diable, un roi, un berger, une femme qui a perdu sa pièce, un père qui a deux enfants…

Je voudrais attirer votre attention sur un point de cette page d’Évangile. Jésus non seulement nous parle de Dieu mais aussi de nous, des scribes et des pharisiens pour nous dire que nous sommes dans le coup, nous faisons partie de la parabole. « Alors, Il leur dit…  lequel d’entre vous… » quand il a 100 brebis, accepte d’en perdre une ? Lequel ou laquelle d’entre nous, quand il a 10 pièces accepte d’en perdre une et ainsi devenir plus pauvre que vous ne l’êtes déjà ?  Et la suite de la parabole est , lequel d’entre vous quand il est père de deux enfants accepte de l’être d’un seul ? …

À plus forte raison Dieu ! Pourquoi refusez-vous ou avez-vous du mal à comprendre que Dieu ressemble à ce qu’il y a de meilleur en vous ! C’est cela que Jésus est en train de leur dire !

Alors Charles-Hervé sois témoin de l’Évangile, sois toujours de ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes. N’entretiens pas le râle, ce n’est pas cela qui marche ! Chaque fois que tu devras prêcher, pose-toi la question : « qu’est-ce que j’ai de bon et de nouveau à annoncer à ceux que je connais, à ceux qui sont de la communauté, à ceux qui sont dans l’assemblée ? ». « Est-ce que je connais quelque chose de leur vie et qu’est-ce que j’ai de neuf et de bon à leur dire de la part du Seigneur ? »

Tout à l’heure, après l’ordination, on va te remettre une étole signe de ton ministère. Tu remarqueras que l’étole se met un peu comme un tablier. Le mot diacre vient d’un mot grec, diaconos, qui signifie serviteur. Le ministère que je te confie est un ministère de serviteur, non pas que tu deviennes aujourd’hui seulement un serviteur, comme si depuis des années tu ne l’étais pas. C’est justement parce que tu as manifesté des capacités et des dons de service que l’Église te confie aujourd’hui ce ministère de diacre.

Ce ministère s’exerce pour une part dans la Liturgie, mais ce n’est pas là que tu passeras le plus de temps ! Ce n’est pas là que moi, comme évêque, je passe le plus de temps ! Mais dans la liturgie eucharistique nous venons nous nourrir à l’écoute de la parole de Dieu, nous nourrir à la vie donnée du Christ pour en vivre, pour le service au jour le jour et à longueur de jours.

Le ministère du diaconat que tu reçois, il est pour toute ta vie, dans toutes les composantes de ta vie, pas simplement quand nous sommes rassemblés à l’église ! Il est pour ta vie personnelle, ta vie familiale, ta vie sociale, ta vie professionnelle. Dans tout ce que tu vis déjà, tu auras à le vivre, avec cette tonalité nouvelle du ministère que tu reçois.

Tu célèbreras des baptêmes, tu recevras le consentement des mariés, mais à la messe – tu verras le diacre ne fait pas grand-chose.

  • Si le diacre est là, c’est toujours lui qui proclame l’Évangile, même si le pape est là ! Il est le serviteur de la Parole que tous doivent entendre, y compris celui qui a le chapeau de chef. Et puis de temps en temps, par l’homélie tu essayeras de traduire dans la vie quotidienne des uns et des autres ce que peut vouloir dire d’accueillir ces pages du livre des Écritures.
  • Tu mettras un peu d’eau dans du vin en disant cette parole : « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » pour rappeler à tous, que ce que nous visons c’est une communion avec celui qui est le Seigneur de nos vies…
  • Silencieux durant la prière eucharistique, on t’entendra à nouveau au moment du geste de paix. Quand celui qui préside l’eucharistie aura dit « que la paix du Seigneur soit toujours avec vous » tu enchaineras « frères et sœurs dans la charité du Christ, partageons cette paix » c’est-à-dire le Seigneur nous donne sa paix c’est pour en vivre, pour la partager pas simplement ici, mais dans la vie de tous les jours, s’il est vrai que nous sommes des frères et sœurs. Tant de différences sociale, ethnique, d’éducation, de milieux existent entre nous qui pourraient nous maintenir étrangers, indifférents, voire en conflit les uns avec les autres. Tu nous rappelles que nous sommes frères tout simplement parce que ce que le Christ a fait pour moi, il l’a fait aussi pour toi, pour les autres.
  • Enfin, même si le diacre ne fait pas grand-chose, à la messe c’est lui qui a le dernier mot : « allez dans la paix du Christ ».  « Allez ne restez pas là ! … »  Allez vivre ce que vous venez de recevoir, de trouver, allez vivre de cette énergie d’amour que vous avez reçue en communion au corps du Christ, pour faire de vos vies des vies données, des vies qui aiment.  

Charles-Hervé, je te souhaite de vivre les trois missions qui ont été évoquées par l’équipe de préparation qui t’a accompagné. Ces trois charges sont celles du diacre, celles de l’évêque, celles des prêtres, celles de tous les baptisés, celles de la vie des disciples du Christ. On est plus solide, plus stable en tenant ensemble sur ces trois piliers de la mission de l’Église. On est sans cesse en perte d’équilibre, bancal quand on s’enferme dans une seule. Quand on ne tient que sur deux, c’est moins solide que quand on a trois points d’appui. Ces trois grands services sont

  • Le service du don, de la grâce de Dieu car c’est là que nous venons puiser notre force et notre énergie. Sinon nous sommes comme des batteries électriques sans cesse sollicitées mais jamais rechargées. Il nous faut nous recharger à la source qu’est le Christ pour en vivre., y compris à la source, pour vivre.
  • Le service de l’annonce de l’évangile. C’est être capable d’oser dire que nous avons trouvé un trésor et qu’il nous fait vivre. Nous ne  pouvons pas le garder pour nous, nous avons envie de le partager. Ce trésor c’est le Christ que nous portons dans des vases d’argile. Nous en témoignons par la parole, mais aussi par la cohérence de notre vie. Qu’est-ce qui nous parle quand nous regardons Jésus ? Ce n’est pas simplement ce qu’il dit. Ce qui nous parle souvent aussi c’est ce qu’il fait. Alors sois un témoin de l’évangile, soyons des témoins de l’évangile par la cohérence de nos vies.
  • Le troisième service particulièrement en phase avec le diaconat, est le service de la charité et de la solidarité. C’est incontournable, en particulier pour les diacres, de porter ce souci. Il ne s’agit pas de le porter tout seul, mais de rappeler à temps et à contretemps au sein des communautés chrétiennes que nous ne pouvons pas le laisser ce service de côté ou simplement le déléguer à quelques-uns qui nous en dispenserait. C’est en ayant un regard attentif aux petits, aux pauvres, aux malades et aux pécheurs que ce soit dans la communauté chrétienne, que ce soit dans la cité, que nous serons disciples du Christ, témoins de l’Emmanuel, de celui qui est Dieu avec nous.

Normalement à la fin d’une célébration d’ordination, je confie une nomination. J’ai décidé de retarder un peu cette remise de nomination parce qu’un événement familial se prépare. Tu vas être à nouveau papa, pour la 4e fois, avec Armelle. Le ministère diaconal n’efface pas les autres responsabilités et les autres engagements et donc ton engagement premier d’époux, de père et c’est primordial. Alors je dis à Armelle et aux enfants : tout à l’heure Charles-Hervé va promettre de vivre en communion avec moi dans le respect et l’obéissance. Alors si vous percevez que le ministère diaconal lui fait un peu oublier ce premier devoir, ce premier service qu’il doit assumer comme père et époux, il faudra le lui rappeler et me le rappeler.

Je vais te laisser quelques mois pour accueillir avec bonheur un nouveau-né. Cet événement heureux est en même temps une charge supplémentaire pour toute la famille, c’est important que tu sois d’abord là. C’est par la qualité de ta présence en famille que tu nous parleras aussi.  Être serviteur c’est aussi dans le quotidien, le plus ordinaire de nos vies.

 Amen !

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