l'Évêque

Paroles de l'Évêque

Messe Chrismale – Homélie de Mgr Pansard

Messe Chrismale – Homélie de Mgr Pansard

Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, fidèles laïcs du Christ, fidèles consacrés du Christ, fidèles diacres du Christ, fidèles prêtres du Christ, fidèle évêque du Christ.

Après 40 jours pour nous réveiller et nous ajuster ou plutôt nous laisser ajuster à l’alliance que Dieu veut avec nous et entre nous, nous sommes entrés dans cette Semaine Sainte qui déploie, dans la succession des jours saints, le mystère de la foi que nous célébrons en chaque eucharistie.

Nous la vivons en suivant Jésus le Christ en sa passion et sa résurrection pour y trouver la nourriture de l’engagement de nos vies, pour nous laisser entraîner sur le chemin de la vie véritable, cette vie qui a un poids d’éternité.

Nos 387 frères et sœurs catéchumènes adultes et adolescents qui ont frappé à la porte de nos communautés chrétiennes proclameront au milieu de nous en ces fêtes pascales qu’ils veulent désormais vivre leur vie d’hommes et de femmes, leur vie de famille, leur vie sociale en prenant appui sur celui qui est devenu le Roc de leur vie parce qu’il s’est révélé à eux en Jésus le Christ comme le Dieu vivant, ce Dieu qui les aime, les suscite et les révèle.

Ils mettent leur foi en Dieu en découvrant que Dieu leur fait confiance et compte sur eux, comme Il compte sur chacun de nous pour être le témoin dont il a besoin aujourd’hui.

Chacun recevant la part de l’Esprit pour le bien du corps entier, chacun est invité comme Pierre au matin de Pentecôte à vivre ceci : « de l’or ou de l’argent je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne » (Ac 3, 6), ce qui m’a été donné, ce que j’ai reçu du Christ, je te le donne. Humble et quotidienne mise en musique du commandement nouveau : « comme je vous ai aimé », comme vous avez goûté que je vous aime, « aimez-vous les uns les autres ! » (Jn 13, 34)

Oui, en cette Semaine Sainte retentissent ces cris de foi et d’espérance des Écritures et de l’Église : « si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal ton bâton me guide et me rassure » (Ps 23,4), « le Christ m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 21), « le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour Elle » (Ep 5,25), « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils » (Jn 3,16).

C’est bien pour cela que les catéchumènes vont se mouiller, être plongés dans les eaux baptismales, se risquer dans une vie de disciples du Christ marquée par le choix d’une vie donnée, livrée. Une vie qui aime sans se payer de mots, une vie qui expérimente et goûte la joie et le bonheur d’être aimé et d’aimer.

C’est bien pour cela que nous aussi, nous allons renouveler à Pâques la foi de notre baptême et vous frères diacres et prêtres, en ce jour, les engagements de vos ordinations.

Ce choix d’une vie qui aime à la suite du Christ, comme pour les disciples d’hier, ne supprime pas les épreuves, les obscurités, les désespoirs et les tristesses de nos vies personnelles, comme de la vie du monde.

Et il faut bien le reconnaître, en ce premier quart du 21è siècle, l’horizon s’est obscurci. Inquiétudes et peurs habitent beaucoup d’entre nous, l’avenir est sans visage et nous pouvons ressentir en nos vies les propos du prophète Ézéchiel : « Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus ! » (Ez 37,11)

  • Notre maison commune, notre planète est bien malade, les bouleversements climatiques entraînent aussi bien des bouleversements sociaux ;
  • Les conflits se multiplient en Ukraine, entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi dans combien d’autres régions du monde dont nos médias parlent moins : 7 millions de personnes déplacées en RDC, Haïti en pleine déflagration, tensions ethniques ou religieuses qui se réveillent… 
  • Les précarités se développent dans notre pays ainsi que les sentiments du « deux poids deux mesures ».  Agressivités dans les relations inter humaines et encore plus derrière les écrans, le mensonge prend le pas sur le souci de la vérité et de la justice.
  • Le virtuel risque de prendre le pas sur le réel de nos vies, ces rencontres « en vrai » où se jouent et se vérifient la qualité et la vérité de nos relations et de notre fraternité.
  • L’extrême souci de soi, de l’individu et de ses libertés peut mettre à mal solidarités et la fraternité.

Cette fraternité si souvent invoquée mais aussi dévoyée ! Je me souviens jeune diacre m’être réjoui de ce progrès de fraternité qu’est l’abolition de la peine de mort. Est-ce un progrès de fraternité quand 43 ans après on en vient à vouloir légiférer sur « une aide à mourir » et cela sans avoir pris les moyens pour développer les soins palliatifs et tous les chemins de solidarités et du « prendre soin » de la vie des toute personne humaine qui connaît la fragilité, la dépendance… ?

Nous l’entendrons en ce Vendredi Saint et dans le récit de la passion selon Saint Jean « c’est au moment où le Christ n’a plus aucune apparence, qu’il apparaît sans beauté, sans éclat, sans avenir, muet et rejeté par les hommes » que retentit le « voici l’homme », « qu’il est l’homme par excellence. L’icône démasque alors toutes nos fausses images de la dignité humaine qui reposeraient sur la beauté, l’autonomie, la santé, l’avenir… En ce sens, l’icône de l’Ecce Homo est l’épreuve de vérité pour le chrétien qui cherche à faire le bien » qui cherche à aimer.[1] ».

Au-delà des discours, des grandes incantations et déclarations, ce service de la charité, le service de la fraternité personnelle et sociale, ce service du « prendre soin les uns les autres » mis en avant par notre synode diocésain, réclame des choix déterminés, courageux. Car la fraternité. a un coût et pas seulement économique. « Cette aide, cet accompagnement n’est pas tâche facile, ni pour les soignants, ni pour les proches. Eux aussi doivent être accompagnés, soulagés, compris. C’est à aider à vivre jusqu’au bout de sa vie que – du sommet de l’État au simple citoyen – nous devons nous employer[2]. »

« Oui je le veux, avec la grâce de Dieu » avez-vous déclaré au moment où vous preniez les engagements de vos ordinations.

C’est pour cela que tous, nous avons besoin de Celui qui nous entraîne dans les manières d’être et de faire de Dieu évoquées dans le livre d’Isaïe et qui étaient « l’aujourd’hui » de Jésus au début de son ministère : « L’esprit de Dieu repose sur moi pour… ». Pour faire le job du messie comme l’évoquait le père Gilles Drouin cet après-midi.

L’esprit repose sur nous qui avons reçu l’imposition des mains pour être les serviteurs dont il a besoin. L’esprit repose sur nous qui portons le beau nom de Christ, de chrétiens pour nous entraîner à proclamer ce qui bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes et l’inscrire dans nos gestes, paroles et regards, nos engagements.

Je reconnais aussi cette disponibilité au dynamisme de l’Esprit de Dieu en vous, jeunes adultes du diocèse qui animez cette messe Chrismale. Beaucoup d’entre vous ont goûté la joie de ce grand rassemblement que sont les JMJ. Depuis, vous prenez des initiatives pour susciter des groupes de jeunes adultes. Vous y priez et louez le Seigneur, vous vous soutenez les uns les autres et vous avez aussi décidé de revêtir la tenue de service pour aller à la rencontre de frères et sœurs humains à la rue. Ils sont trop souvent transparents au regard de beaucoup ou regardés de haut. Lors de maraudes vous avez non seulement apporté des biens mais surtout vous les avez rejoints et regardés comme des frères et sœurs humains.

Amen

+ Michel Pansard
Evêque d’Ecry-Corbeil-Essonnes
Mardi 26 mars 2024


[1] Sr Geneviève Médevielle dans le rapport Dagens 2 1996.
[2] Dominique Quino, journal la Croix 25 mars

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