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Ordination diaconale de Romain Bélibi

Ordination diaconale de Romain Bélibi

Homélie de Mgr Michel Pansard
Jeudi 18 mai 2023

Romain, il est bon que ton ordination diaconale soit célébrée le jour de l’ascension….
La scène racontée dans le livre des actes est surprenante, les disciples de Jésus après sa résurrection ont retrouvé la joie et la confiance, mais ils attendent tout de lui, le ressuscité : « « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Une fois de plus, Jésus les surprend, s’il monte vers le Père, c’est pour qu’ils poursuivent sa mission et prennent toute leur place pour être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre, jusqu’en Essonne.
Déjà durant son ministère public, il les avait associés à sa mission, les envoyant deux par deux dire ce qu’il dit et faire ce qu’il fait pour être les témoins et les acteurs de la proximité et de la grâce de Dieu qui change la vie et ouvre de nouveaux horizons.
Après son départ, rencontrant incompréhensions, arrestations, procès, défis nouveaux… ils vont faire l’expérience d’être soutenus par le même Esprit qui avait ressuscité Jésus d’entre les morts.

L’appel du Seigneur ne s’adresse pas qu’à toi Romain, il s’adresse à tous les disciples de Jésus.  Tous nous entendons : « comme moi, je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».

Cela n’est pas nouveau et ne commence pas pour toi Romain aujourd’hui. C’est d’une manière ou d’une autre l’aventure de tous les disciples du Christ, et je pense en particulier aux 180 adultes qui seront confirmés, qui recevront l’Esprit-Saint pour être les témoins dont le Seigneur a besoin aujourd’hui dans nos générations.

Pourtant, une nouvelle fois, l’Esprit Saint va être invoqué sur toi, parce qu’il est le dynamisme de Dieu qui soutient l’Église et chaque chrétien, parmi eux les diacres, en les aidant à être vrais et fidèles ce qui est la même chose. Si j’en crois encore l’évangile de Jean. « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements, moi je prierai le Père: il vous enverra un autre paraclet… c’est lui l’esprit de vérité ». (Jn 14.)

Le Seigneur réclame de disciples qui en veulent et s’engagent totalement comme tu vas le proclamer dans quelques instants : «  oui je le veux ». Mais il faut aussi savoir reconnaître que nous ne travaillons pas à notre compte ou en free-lance, que cela ne dépend pas uniquement de la force de nos bras, de nos poignets et de nos volontés. Comme les disciples nous ne sommes pas aussi forts que nous le croyons souvent. Il nous faut donc aussi demander et recevoir ce souffle, ce dynamisme qu’est l’Esprit même de Dieu, d’ailleurs tu concluras tes engagements par ce « oui je le veux avec la grâce de Dieu. »
Cela n’est pas étranger à la maxime de l’agir, attribuée à saint Ignace de Loyola : « Agis en toute chose comme si tout dépendait de toi et rien de Dieu, pourtant mets y tout ton labeur comme si tout dépendait de Lui et rien de toi. »

J’entends souvent la question,  mais que rajoute l’ ordination à ce que fait déjà un baptisé ?
Nombreuses sont les interrogations dans ce domaine :

  • qu’ajoute le baptême à quelqu’un qui vit déjà de l’évangile ?
  • qu’est-ce que la confirmation ajoute au baptême ?
  • qu’est-ce que le diaconat ajoute à une charge de laïc ?
  • qu’est-ce que le mariage sacrement ajoute à l’amour d’un homme et d’une femme ? à une vie commune déjà commencée ?

Qu’est-ce que cela ajoute ? Qu’y a-t-il en plus ? à quoi ça sert ?
Ces interrogations peuvent être des pièges : elles nous enferment dans des mesures, elles sont de l’ordre de l’utilité marchande.

Elles ressemblent à des questions entendues par Jésus : « quel est le plus grand ? », « qui aura la première place ? » « qui est le meilleur ? »

Jésus a toujours refusé d’entrer dans la logique de ces interrogations pour nous entraîner dans une autre logique, un ordre évangélique des choses qui met à mal toutes nos hiérarchies.
Dans la logique évangélique,

  • il est question du plus petit et de la dernière place,
  • il est question de service et de don de soi,
  • il est question d’humilité et de pauvreté.

Romain, ne te fais pas d’illusion, le diaconat ne trouve pas son sens dans ce qu’il ajoute ou dans l’avancement qu’il promet. Le diaconat est un sacrement, est  un don de Dieu à son Église, à son peuple. Pour être avec les évêques et les prêtres

« pour être (dans l’Église et nullement au-dessus d’elle) le signe sacramentel que c’est le Père qui a l’initiative de rassembler l’Église, le Fils qui en fait son corps et qui la reconnaît comme épouse, l’Esprit qui la sanctifie et la dynamise pour le rayonnement de l’Évangile » (cf. 1 Co 12, 12-35 ; Ep 5, 21-33) 

Nous pouvons aussi être tentés de faire de l’Église notre affaire, nous pouvons être facilement portés à compter sur nos forces et nos initiatives. Il est bon de nous  rappeler ceci :

  • Dieu est premier. Si nous sommes un peuple nous sommes le Peuple de Dieu,
  • Dieu est le maître de la moisson et il est l’architecte de la « maison-Église ».

Romain nous est donné comme diacre comme les autres ministres ordonnés, pour dire et signifier : le primat de Dieu.  Non pas Dieu en concurrence de nous, ni Dieu en surplomb, mais pour reconnaître et indiquer, Dieu source d’amour, de notre amour.

Le mot diacre, signifie serviteur. Cet appel au service est adressé à tous, le diacre, comme les poupées russes, nous rappelle par son service spécifique, un appel adressé à l’ensemble de l’Église. Comme le rappelait le Concile Vatican II dans son décret sur la mission :
« De même que Dieu nous a aimés d’un amour gratuit ; de même, que les fidèles soient préoccupés dans leur charité de l’homme lui-même, en l’aimant du même mouvement dont Dieu nous a cherchés. Le Christ parcourait toutes les villes et les bourgades en guérissant toutes les maladies et infirmités, en signe de l’avènement du Règne de Dieu (cf. Mt 9, 35s ; Ac 10, 38).  L’Église est par ses enfants en liaison avec les hommes de quelque condition qu’ils soient ; elle l’est surtout avec les pauvres et ceux qui souffrent et de tout son cœur, elle se sacrifie pour eux (cf. 2 Co 12, 15). Elle participe à leurs joies et à leurs souffrances, elle connaît les aspirations et les problèmes de leur vie, elle souffre avec eux dans les angoisses de la mort. A ceux qui cherchent la paix, elle désire répondre par un dialogue fraternel, en leur apportant la paix et la lumière qui viennent de l’Évangile » (Vatican II, Ad gentes 12).

Je vais te remettre l’Évangile. Témoin du Christ, missionnaire, tu le seras en étant serviteur de la Parole.

  • Serviteur non pas d’un livre, mais de Celui dont témoignent les Écritures.
  • Serviteur de la Parole de Dieu qui s’adresse aux hommes comme à des amis, parole douce comme le miel ou tranchante comme le glaive.
  • Serviteur de l’engagement de Dieu contre tout ce qui fait mal aux hommes,
  • Serviteur de la parole engagée de Dieu, parole d’alliance, parole vivante faite chair, faite homme.

Diacre, tu portes un des titres du Seigneur : serviteur.
Serviteur, tu le seras en étant à la place où se tient le Seigneur au soir de la cène. « Quand Notre Seigneur est à genoux au lavement des pieds. Il résume tout ce qu’il est , tout ce qu’Il donne, tout ce qu’il apporte et la mission qu’il nous confie, qui est d’être à cette place où il se tient où il se tient, à genoux devant l’homme[1] ».
D’une manière particulière tu auras à veiller et à aider l’Église, à ne pas se payer de mots et à assurer une présence active de la charité près de ceux qui en ont besoin et en prenant la tenue de service.

Diacre tu le seras aussi dans la liturgie, où le diacre ne dit pas et ne fait pas beaucoup de chose,

  • il annonce l’Évangile, ce qui est bon et nouveau de la part de Dieu pour les hommes. Il l’annonce et le proclame à tous ceux qui sont rassemblés, même à l’évêque…
  • à voix basse, il demande à Dieu que nous soyons intimement unis à la vie divine de celui qui a partagé notre humanité.
  • il nous invite à ne pas garder pour nous la paix que le Seigneur nous donne, mais à la donner. Car ce que Dieu nous donne, nous ne l’accueillons en vérité qu’en le donnant.
  • Enfin, et ce n’est pas rien, le diacre a le dernier mot en nous invitant à ne pas rester là, comme le Seigneur : allez de toutes les nations faites des disciples 
    • allez, glorifiez Dieu par toute votre vie,
    • allez, mais à la manière du Christ, en artisan de paix, dans la paix,
    • allez en tenue de service, pour vivre à l’égard de vos frères et sœurs de ce que vous venez de recevoir, ce que vous avez gouté de l’attitude du Seigneur à votre égard….        

Amen


[1]    Maurice Zundel, Ta parole comme une source, p.185

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